Partie en volontariat au sein de la Fondation Patino à Cochabamba en Bolivie, Sophie témoigne sur sa mission de professeure et pédagogue.
Une mission en mouvement
« La Fondation Simón I. Patiño œuvre pour une éducation de qualité en Bolivie. Elle apporte une attention particulière aux parties de la population les plus précaires. En collaboration avec l’équipe pédagogique, j’élabore des méthodologies d’apprentissage innovantes. Notamment à travers l’animation d’ateliers gratuits établis dans un cadre sécuritaire pour les élèves. Au cours de mes 12 mois de mission, je vais être amenée à voyager dans tout le pays pour partager ce savoir sur le plus grand nombre de projets possible.
J’ai passé mes premières semaines à Cochabamba. Je travaillais dans un réseau de centres de soutien scolaire où j’animais des activités récréatives centrées sur la lecture de contes pour les enfants en primaire. J’y ai également donné des cours de yoga pour les motiver à prendre soin de leur santé physique. Cela sortait complètement de l’ordinaire pour eux. Mais c’est justement là que se révèle la richesse des échanges culturels dans l’éducation.
J’ai ensuite été envoyée dans un internat au cœur des Yungas, une région rurale isolée où la population vit majoritairement de la culture de la coca et du café. L’internat où j’ai été amenée à travailler est fréquenté par des adolescents issus de familles à très faibles revenus économiques et privées de contacts avec l’extérieur au vu de la situation géographique de leurs communautés.
La frustration face aux parcours difficiles
En trois mois, le temps de ma mission là-bas, je suis passée, heureusement, par des moments de joie. Mais aussi par beaucoup de moments de colère et de frustration face aux parcours parfois très difficiles de certains de mes élèves, sans pouvoir leur apporter beaucoup plus qu’un soutien scolaire et émotionnel temporaire. J’étais la première volontaire de la Fondation sur place, la première à bousculer les habitudes inculquées par les éducateurs selon lesquels la vraie éducation pour un enfant est dans le poulailler ou les champs de coca, et que vouloir faire des études est présomptueux.
En quelques mois, j’ai essayé, à mon échelle, de réduire l’écart entre ceux qui ont accès au savoir et ceux qui ne l’ont pas. Malheureusement, la confrontation de ces deux mondes ne se fait pas sans heurts. À travers les activités de lecture et d’écriture que je proposais, j’essayais bien sûr de renforcer les compétences linguistiques des élèves mais aussi de les faire s’évader et de leur montrer qu’une éducation de qualité ouvre des portes vers la réalisation de leurs rêves. Certes, j’étais vue comme originale avec mes textes littéraires et avec mes idéaux écologiques (sujet pour le moment oublié ici) mais la curiosité plante des graines : chaque jour a apporté ses petits progrès. Mes élèves sont devenus mes amis et ils ont exprimé eux-mêmes le fait que ma présence a été “l’étincelle” qui leur a donné le goût d’aller plus loin dans leurs apprentissages scolaires.
L’importance de l’éducation scolaire
Malgré les moments difficiles, inévitables, lorsque l’on vit dans une telle précarité et lorsque l’on est confronté de la sorte à la violence insidieuse de l’indifférence générale. Je repars avec beaucoup de reconnaissance d’avoir rencontré ces adolescents oubliés de tous. Ils sont su colorer mon quotidien et m’ont fait grandir par les discussions qu’on a eues ensemble sur des sujets plus ou moins sérieux, par leur curiosité, leur humour et leur sincérité.
A l’heure où j’écris ces lignes, je suis de retour sur mon premier poste à Cochabamba et de la même manière qu’en ce qui concerne les Yungas, j’espère que la majorité de mes élèves resteront ouverts à la nouveauté et qu’ils continueront à cultiver leurs imaginaires même après mon départ. En tout cas, la Fondation Patiño y croit. Elle croit à l’importance de l’éducation scolaire et de l’ouverture à l’Autre pour construire une Bolivie plus prospère. C’est une chance de pouvoir agir en son nom. »
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